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6 mars 2015 5 06 /03 /mars /2015 15:57

Voilà maintenant plus de quatre semaines que je suis arrivée sur l’île rouge. Les 4 étudiants infirmiers que nous sommes, avons profité de l’opportunité de pouvoir réaliser un stage à l’étranger pour découvrir un système de soins et une prise en charge sanitaire autre que celle que nous connaissons depuis toujours en France. Mais ce départ signifiait pour moi bien plus qu’une simple expérience professionnelle. Madagascar j’en rêvais depuis mon plus jeune âge. Cette île, liée à mon histoire familiale, m’a toujours fasciné et donné envie de découvrir ses paysages, ses habitants, ses rites, ses croyances…

Impatiente et encouragée par mon entourage je suis partie le cœur léger. Malgré de nombreuses mises en garde ou des descriptions plus que catastrophiques de la situation actuelle du pays, je me suis refusée d’imaginer et encore moins d’anticiper des situations ou des images auxquelles je risquerais d’être confrontée. Ainsi j’ai pu découvrir, tantôt avec émerveillement, tantôt avec étonnement une culture, des mœurs, des traditions ou encore des croyances différentes de toutes celles avec lesquelles j’ai pu être bercée depuis ma naissance. En venant à Madagascar en tant qu’étudiante infirmière je n’ai pas uniquement rencontré des malades mais une population entière à laquelle il a tout d’abord fallu s’adapter.

Les premiers jours se sont révélés plus que déroutant. J’ai tout d’abord dû apprivoiser et accepter tous ces regards, parfois amusés parfois apeurés, posés sur nous les blancs, les vazaha, afin d’oser lever les yeux et pouvoir découvrir et recevoir les scènes de vies qui s’offraient à moi. Ainsi, dès mon arrivée dans la capitale, j’ai été frappé et heurté par la pauvreté et la misère de la population. Mais peut-être encore davantage par les disparités qui y règnent : dans une même rue j’ai pu longer des habitats vétustes, dignes de certains bidonvilles, avant de pouvoir admirer une belle demeure cossue aux nombreuses commodités. De grosses cylindrées de marques occidentales doublent de vieux tacots, des bicyclettes grinçantes ou encore des pousse-pousse. Les premières formes de richesses et de réussite semblent côtoyer sans complexe la pauvreté et la misère du pays compté comme l’un des plus pauvres du monde

A notre arrivée à Ankazo, je découvre une autre forme de pauvreté. Ici la mendicité a disparu, les regards sont à la fois méfiants et bienveillants mais les conditions de vie bien plus rudimentaires. De petites maisons en brique et en toit de paille riz abritent des familles entières et nombreuses. L’eau n’y est jamais présente, l’électricité parfois. De nombreux enfants, non scolarisés, passent leurs journées dehors à jouer, à surveiller les animaux ou encore à aider les ainés dans la réalisation des tâches domestiques quotidiennes. L’accès à l’éducation ne semble pas être une priorité pour ces habitants de la brousse. J’ai pu faire le même constat concernant l’accès à la santé et aux soins. Il est renforcé par le fait que nous soyons en période dite de « soudure » où les récoltes n’étant pas encore été réalisés les malgaches ont très peu de revenus. Ainsi rares sont les personnes venant se faire soigner

J’ai eu la chance de multiplier les rencontres aussi bien avec les sœurs de la communauté religieuse qui nous a accueillis, qu’avec les médecins, infirmiers, sages-femmes ou instituteurs des différentes structures dans lesquelles nous avons travaillé. Les échanges ont été facilités du fait que bon nombre d’entre eux manient aisément le français. De mon côté, je me suis néanmoins appliquée à apprendre mes premiers mots de vocabulaire malgache. Il me semblait important de devoir fournir cet « effort » afin de m’intégrer au mieux à la population et favoriser les échanges. Car j’ai été surprise (mais surtout frustrée) de constater que la population ne parle et ne comprenne si peu le français, pourtant langue officielle de l’Etat et de l’éducation. Les premiers temps, je me suis réellement sentie frustrée de ne pas pouvoir échanger autant que je le souhaitais avec les malgaches que je rencontrais. Mais au fil des jours j’ai appris à échanger et partager avec de petits mots, de simples regards, sourires ou petits gestes et cela s’avéra, étonnement, parfois tout aussi riche et intense que de long discours.

Les échanges avec les malgaches francophones m’ont permis de faire part de mes observations, mes étonnements et mes interrogations auxquelles j’attendais une réponse ou une explication. La richesse de ces échanges réside dans le fait que chaque parties prenaient un réel plaisir à découvrir la culture, les perceptions, les ressentis de l’autre. Il s’agissait de réels moments de partage inter culturel : je n’étais pas seule à apprendre et à être dans le désir d’apprendre.

Ce passage à Madagascar m’aura également offert la chance de réaliser entièrement cinq accouchements. Il s’agit d’un acte auquel il est très rare de pouvoir assister en France. Au dispensaire d’Ankazomiriotra, je me suis donc vu moi, simple étudiante infirmière, accompagner des femmes à donner la vie dans des conditions plus que rudimentaires. Mais malgré le manque de moyens et la brutalité qui peut parfois en ressortir, la magie de l’instant était belle et bien présente. Ces moments uniques et inoubliables sont d’autant plus fort qu’une petite Chloé vit aujourd’hui ses premiers jours dans la brousse malgache, à des milliers de kilomètres de la France.

Le séjour est fini et mon retour en France signe la fin d’une expérience unique et inoubliable. Même s’il est encore trop tôt pour l’affirmer aujourd’hui, cette expérience m’aura marquée tant pour la future professionnelle de santé que je suis mais surtout personnellement et intimement. Aucune autre expérience antérieure ne m’avait offert la chance de vivre des moments si simples et pourtant si précieux et si intenses. L’authenticité, la sincérité des rapports et des liens que j’ai pu tisser avec ces personnes restera certainement mon plus beau souvenir. Il y a des rencontres qui marquent une vie, celles-ci en font partie. Je quitte donc, non sans tristesse, ces personnes qui m’ont accueillie si chaleureusement et qui m’auront tant appris. J’espère que ces au revoir ne sont pas des adieux et que j’aurai la chance de revenir à Madagascar ou encore accueillir certain d’entre eux en France pour leur faire découvrir, avec autant d’enthousiasme, mon pays et ma culture.

Il est maintenant venu l’heure de raconter à mes proches ce voyage. Malgré des photos, des vidéos et des images plein la tête, je sais dorénavant qu’il me manquera des mots pour pouvoir décrire et exprimer ce que j’aurais vécu durant ces cinq semaines.

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