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16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 19:23

Editorial de Madagascar Tribune du samedi 3 avril 2010, par Sevane  

 

(je reconnais bien là la sagesse malgache…)

 

 

Je suis convaincue que si on permettait à deux personnes différentes de vivre exactement la même vie (mêmes échecs, mêmes réussites, même job, même compagnon, même cadre de vie …), l’une serait épanouie et l’autre serait une déprimée chronique. Bien sûr, c’est une vision extrême des choses. Mais je voulais démontrer par cet exemple que le bonheur n’est pas à la portée de tous. De même que certains peuvent courir des kilomètres et transpirer à peine alors que d’autres clamsent au bout de 800 mètres, nous ne sommes pas tous égaux face au bonheur : certains ont l’aptitude à l’accueillir et d’autres en sont plus ou moins incapables. Pas étonnant donc si certains ont un taux de BIB élevé (Bonheur Intérieur Brut) et ce, quel que soit le niveau du PIB.

Quand je pense au bonheur, c’est l’image d’une de mes tantes qui me vient tout de suite à l’esprit : une femme que la vie n’a pas gâtée. Orpheline très tôt, puis deux fois veuve et deux enfants décédés très jeunes. Juste avant l’enterrement de son enfant, un nourrisson, un ange, nous sommes passés à table. Tandis que toute la famille avait la gorge nouée, incapable d’ingurgiter une seule cuillère, ma tante, elle, mangeait avec un appétit intact, qui aurait pu paraître inconvenant à certains mais qui, pour notre part, était tout simplement épatant tant je persiste à croire que l’appétit tout court n’est que le reflet de son appétit de la vie, une sorte de générosité intérieure. Cette femme a une force incroyable, une capacité de résilience face à ce qu’elle n’a pas pu éviter, une façon de positiver tout ce qui lui arrive dans la vie. Rien ne l’abat. En la regardant, je me suis dit, je voudrais lui ressembler - pas physiquement (lol … je t’aime tatie !) – mais je voulais être capable d’être heureuse comme elle.

Quand j’étais enfant, j’étais persuadée que pour être heureux il fallait un bon métier donc un bon diplôme, comme me le répétaient mes parents. C’était donc important pour moi que mes parents soient fiers de moi. Entrevoir leurs sourires quand je ramenais de bonnes notes, pour moi, c’était la définition du bonheur : la reconnaissance de mes parents. Mais je n’étais pas une bonne élève. Et les bonnes notes étaient plutôt rares. Non pas que j’étais bête, mais j’avais d’autres chats à fouetter et faire des efforts me coûtait. Contrairement à ma petite sœur, qui a échappé d’un poil, à l’épreuve de baccalauréat, à la mention « Très Bien » et qui a intégré l’une des meilleures classes préparatoires de Paris.

Cette première approche du bonheur : diplôme donc métier - repose sur l’idée que ce qui rend heureux ce sont l’argent et la position sociale. Il serait tout à fait hypocrite de nier que l’argent y participe. Le confort matériel, en effet, contribue à la sérénité. Comme il serait aussi hypocrite de nier que la position sociale entraîne une certaine estime de soi. Seulement, cela ne suffit pas. La preuve : les citoyens des pays occidentaux, depuis 50 ans, sont devenus plus riches, ont de plus longues vacances, voyagent davantage, vivent plus vieux et sont en meilleure santé, mais pour autant, ils ne sont pas plus heureux. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé. C’est le résultat d’un sondage mené auprès de différents pays. L’objectif du politique dans ces pays est de permettre aux individus de satisfaire leurs envies par l’achat de produits, de services, bref consommer. Comme ces parents qui, faute de pouvoir consacrer du temps ou de l’attention à leurs enfants, croient compenser en les couvrant de cadeaux. Dans ce genre de société, les gens ne demandent plus comment ils vont mais « combien tu vas ? ». Il leur manque l’essentiel pour être heureux : une famille soudée, des amis sur qui s’appuyer, le dialogue, le temps, la compassion, la capacité à s’émerveiller, la réceptivité aux petits bonheurs, la reconnaissance envers la vie, l’aptitude à prendre du recul et gagner en sérénité. Le « tout simple » est devenu difficile d’accès. Il n’est donc pas étonnant si beaucoup ressentent le besoin de faire appel à des aides extérieures pour compenser ce manque : voir « quelqu’un », entre autres. J’entends par « quelqu’un » un psy, un thérapeute. À ce sujet, pourquoi dit-on toujours « quelqu’un » pour dire un psy ? Est-ce que les psys mettent « quelqu’un » sur leurs cartes de visite ? Est-ce dû à la nécessité de discrétion alors que consulter un psy est devenu presque la norme ? Pourquoi ne l’utilisons-nous pas pour le proctologue ? Après tout, c’est nettement plus gênant. On pourrait, dans ce cas, dire avec un air vraiment gêné « je vois quelqu’un » et l’interlocuteur compatirait : « Ah mince … Bon courage alors ».

À présent que je suis « grande », j’ai cessé de vouloir être une bonne élève. Je me dis que je ne vis qu’une fois. Mais si je m’y prends bien, une fois devrait être suffisante. J’ai donc choisi de me donner tous les moyens pour être heureuse. On peut passer à côté de la vie si l’on n’entraînait pas son esprit à percevoir ce qu’il y a de gratifiant et de joyeux plutôt que se concentrer seulement sur les difficultés. Je prends des risques car cela ne me fait plus peur. Je ne laisse pas un petit doute, souci ou peur me bloquer : je prends le risque. J’apprends à écouter mes rêves, à être attentive sur des sentiments tels que l’amour. Je vous assure : ça rend heureux, et les autres avec ! J’ai aussi appris à donner. Et je me rends compte que le plaisir que je ressens en voyant le sourire sur le visage de l’autre, est bien supérieur au sien. J’ai donc découvert qu’en donnant je me fais aussi du bien : me servir de ce que j’ai de mieux en moi pour contribuer au bien-être des autres. Car finalement, ce qui nous rend heureux est universel. Nous avons tous besoin d’amour. Et, surtout, besoin d’en donner. Je tiens à ce que ceux que j’aime le sachent : je le leur dit et je le leur montre. Je refuse de faire partie de ces « aigris du maintenant », qui ne cessent de nous rabâcher que c’était mieux avant. Qu’est-ce qu’il avait de mieux, ce passé ? Était-il plus beau, plus riche, en meilleure santé ? Est-ce que l’on était forcément plus heureux, avant ? Je voudrais juste rappeler ceci : avant, on mourait d’une angine. Le présent est bien. Je veux être heureuse maintenant et me dire « c’était mieux tout de suite ». Mais, pour moi, le vrai pansement pour l’âme est avant tout l’amour de mes enfants. Un « je t’aime Maman » et je suis « carrément » heureuse. Je finirais donc en me contredisant : nous avons tous en nous une aptitude naturelle au bonheur. Seulement, il nous appartient de décider si nous allons, ou non, lui donner sa chance. N’attendons pas d’échapper à un accident grave ou à une maladie pour être heureux d’être vivant. Voila un thème que les partis politiques devraient intégrer dans leurs programmes. Car leur but n’est-il pas aussi d’accroître le BIB des citoyens ? Dans cette crise où l’argent manque, on pourrait démontrer que le bonheur n’est pas hors de prix.

Sur ce, je vous souhaite à tous « tout le bonheur du monde ».

 

 

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commentaires

R
<br /> Bravo, pour cet article sur le BIB. Tout est dit ; cette lucidité doit être une "santé mentale trasmissible" . Karine<br /> <br /> <br />
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